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Interview

Ali Amran
 
 
« Je suis impatient de retrouver mon public en Algérie »
 
 
 
 
Révélé notamment par Berbère Télévision, alors qu’il n'était jusque-là presque connu que dans les campus universitaires, Ali Amran est plus que jamais une figure incontournable de la chanson kabyle. Avec son style musical à la fois ouvert sur le monde et profondément ancré dans la tradition musicale kabyle et son look à la hippy des sexties, il ne cesse de gagner l’estime de plus en plus de mélomanes qui, confiants, le soutiennent dans ses audaces musicales. Entretien. 
 
Tu as commencé à t’intéresser à la musique en reproduisant les mélodies d’anciens chanteurs kabyles avec des instruments rudimentaires que tu as toi-même fabriqués. Ensuite, tu t’es singularisé en adoptant un style musical plutôt folk rock. Comment expliques-tu ce tournant dans ta vie artistique ? 
 
Heureusement que j’ai évolué depuis le temps ! Au fait, j’ai commencé de jouer la musique que j’entendais autour de moi. Plus tard, j’ai découvert d’autres genres musicaux, notamment le folk, le rock, la pop… et je me suis mis à les jouer. Quand, j’ai commencé à composer des chansons pour les interpréter moi-même, j’ai mis à profit ce que j’ai appris dans la musique occidentale pour l’intégrer dans la chanson kabyle me disant que c’est un plus pour notre culture. En tout cas, c’est dans ce style que je me sens le plus moi-même, que je m’exprime pleinement. C’est un style d’ouverture. 
 
 
 
Tu as produit un album en 1994, le premier je crois, et tu ne l’as jamais édité, pourquoi ? 
 
Parce que les éditeurs n’en voulaient pas… 
 
Comment expliques-tu que ce soit « Xali Slimane » (tonton Slimane) qui ait le plus marché ?  
 
Là, je ne sais pas vraiment pourquoi ! C’est peut-être le thème de la chanson qui a touché beaucoup de monde…Il y a la mélodie aussi qui est facile à retenir et l’arrangement qui est original, notamment sur le plan rythmique : une sorte de compromis entre un rythme léger, lheddi de chez nous, qui donne l’envie de danser et un 6/8 plus lent qui reflète le marasme décrit dans le texte. Il y a aussi le clip qui a certainement joué un rôle dans sa promotion. 
 
Qui est tonton Slimane ? 
 
« Xali Sliman » est un personnage, quelqu’un à qui on peut parler et qui nous écoute. Il ne dit rien dans la chanson mais on le devine empathique. On sent qu’il nous comprend et qu’il est près à nous offrir ne serait ce qu’un peu de chaleur humaine et de légèreté à travers un verre à partager. Il fait penser à Slimane Azem mais c’est aussi le « nom pour les intimes » d’un copain à moi !  
 
On sent dans tes chansons une certaine amertume, pourquoi ? 
 
Parce que les réalités dont je parle sont loin d’être douces…Je pense néanmoins que le côté musical et la manière avec laquelle j’aborde les textes dénotent un certain recul qui fait que l’atmosphère globale qui se dégage quand on écoute les chansons est plutôt positive : la réalité est dure mais il ne faut pas tomber dans les lamentations ; il faut vivre, et aller de l’avant en essayant de changer les choses. 
 
 
 
Que penses-tu de l’amour en Algérie ?  
 
Waou ! Quelle question (rires) !  
 
Ce sont les chansons comme « Bghigh ad kem-hemmlegh » (Je voudrais tellement t’aimer) qui m’incitent à te poser cette question ! 
 
De manière générale l’amour au sens où on l’entend aujourd’hui est interdit. Il est plus accepté et même valorisant de dire à quelqu’un, en société ou en famille, « ad kem-wwtegh » (je vais te battre) que « hemmlegh-k » ou « hemmlegh-kem » (je t’aime)! C’est un peu ce que dit la chanson « Acawrar » de manière caustique. Il reste alors l’intimité d’un foyer pour aimer -en plus ce n’est accepté que dans le cadre du mariage-, mais là aussi ce n’est pas gagné tant les conditions socioéconomiques ne le permettent pas : la majorité des jeunes n’a aucun moyen, aucune opportunité pour construire sa vie de manière autonome. Alors, on s’arrête au niveau de la volonté, du vœux d’aimer : « bghigh ad kem hemmelegh ».  
 
On a tendance à confondre l’artiste avec l’homme, qu’en penses-tu ?  
 
Je ne sais pas…Je pense qu’il faut être sincère dans ce qu’on fait. 
 
Peux-tu nous parler de tes études ? 
J’ai fait une licence d’anglais puis 3 ans en magister de Langue et Littérature Berbères. C’est d’ailleurs dans les campus de Tizi-Ouzou que j’ai fait mes premières armes dans le domaine de la musique « moderne ». C’est là aussi que j’ai squatté pendant une année avec mes musiciens avant d’aller m’installer en France ; les « anciens » doivent sûrement s’en souvenir !  
 
 
 
Pour quand un nouvel album ?  
 
Un nouvel album ?! Mais il vient juste de sortir, le nouvel album ! Et il y a des endroits où il n’est même pas encore arrivé ! Aussi, je profite de cette interview pour dire aux fans qui m’écrivent pour se plaindre de ne pas le trouver chez les disquaires de leurs régions que la distribution n’est pas de mon ressort et que je fais de mon mieux pour que les choses rentrent dans l’ordre le plus vite possible. Sinon, pour le troisième album, moi je suis prêt, j’attends juste de trouver les moyens de production. 
 
Parmi les spectacles que tu as animés, lequel t’a le plus marqué ? 
 
Chaque spectacle a sa particularité, son petit « quelque chose ». Cependant, je me souviens très bien d’un spectacle que j’ai animé au TRB en 2000. Il était programmé à la même heure qu’un match de la JSK et il n’y avait aucune publicité autour. Résultat : je m’étais retrouvé à jouer pour une quinzaine de personnes qui étaient les copains et les techniciens de la salle ! Par contre, cet été j’ai joué en Finlande devant un millier de personnes alors qu’elles ne connaissaient pas du tout ma musique auparavant ! 
 
Prévois-tu de te produire en Algérie ?  
 
Je suis en contact avec des organisateurs pour préparer une tournée. J’espère que l’on ne tardera pas à finaliser le projet tant je suis impatient de retrouver mon public.  
 
Tes influences artistiques ? 
 
Musicalement, je me situe dans le folk rock, donc j’écoute tous ce qui gravite autour : REM, Alanis Morissette, U2, David Gray qui joue une sorte de folk électronique…il y a aussi les classiques : les Beatles grâce à un copain qui avait un livre avec toutes leurs chansons et leurs accords, Simon and Gartfunkel, Cat Stevens, Pink Floyd, Dire Straits…la chanson francaise. Mais dans mes débuts, j’ai beaucoup écouté la musique kabyle surtout les anciens chanteurs tels que Cheikh Lhesnaoui, Cherif Kheddam, Slimane Azem… Aït Menguellet, Matoub, Kheloui…Paradoxalement, mon enfance est plus nourrie de ce genre de chanson que de musique moderne. C’est à l’adolescence que j’ai commencé à m’intéresser à la chanson moderne en écoutant Ideflawen, Abranis, Idir et d’autres et j’en oublie.  
 
Un mot sur tes musiciens ?  
 
Là, je viens de changer de guitariste : J’ai ramené un vieux routier, un des pionniers du rock Algérien, en l’occurrence Mourad T34. Son expérience et sa sérénité suscitent une énergie positive dans le groupe. Hakim (le batteur) et Fatah (le bassiste) sont toujours là. Ce dernier devrait avoir la palme du musicien qui fait la distance la plus longue pour aller aux répétitions ! Il fait à chaque fois pas moins de 500 kilomètres aller/retour pour venir à Montreuil où on travaille. Bravo l’artiste ! 
 
Lis-tu la presse algérienne ?  
 
Oui, je commence chaque matin avec la lecture des journaux qui sont sur Internet. C’est un moyen pour moi de rester en contact avec le pays, et puis je m’informe sur ce qui s’y passe. 
 
Ton livre de chevet ? 
 
J’aime beaucoup les livres de Amin Maalouf, c’est un génie, un conteur exceptionnel. J’ai lu récemment « Histoire des Berbères » de Ibn Khaldun, un livre très intéressant pour connaître l’histoire même s’il est laborieux à lire. Voilà… je n’ai pas vraiment de livre de chevet pour ainsi dire.  
 
Le mot de la fin ?  
 
Merci à toi pour cet entretien.  
 
Entretien réalisé par Karim KHERBOUCHE 
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Modifié en dernier lieu le 25.10.2005
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