ARK NETWORK reference.ch · populus.ch    
 
  
Tout sur tout 
 
 
Rubriques

Liens

 Home  | Livre d'Or  | Album-Photo  | Contact

Tradition

Célébration de Amenzu yennayer en Kabylie
 
Texte de la conférence que j'ai animée à Ighil Ali dans le cadre des festivités de la célébration de Yennayer 2006 organisées par l’association Taos et Jean Amrouche 
 
Le 12 janvier, plusieurs régions de l’Afrique du nord fêtent Amenzu n Yennayer (le premier janvier amazigh) de l’année berbère 2956. Ce jour est compté parmi les solennités communautaires qui sont, avant tout, religieuses et il est célébrée depuis des millénaires. 
 
Les portes de l’année 
En Kabylie, à l’instar de ces régions, une ambiance particulière règne au sein des familles pendant cette journée. On l’appelle également « Tiwwura n useggas » (les portes de l’année) et elle véhicule toute une mythologie berbère. Ces portes s’entrouvrent au début de chaque année pour permettre de redémarrer quelque chose, de faire le point sur ce que l’on a vécu et d’envisager un avenir. Les enfants attendent avec beaucoup de joie et d’empressement l’ouverture de ces portes pour faire un vœu tel un événement rare et important, comme on attend « papa Noël » !.  
 
La célébration de yennayer 
Cette célébration est marquée par un rite où l’on immole soit des coqs où des lapins, un sacrifice (Asfel) destiné à rendre la divinité propice, clémente aux humains et éloigne les forces maléfiques. Pour le souper de janvier (Imensi n Yennayer), afin de souhaiter l’abondance pour toute l’année, on tient à avoir ses récipients bien garnis et il serait inconvenant de se montrer avare. On prépare à l’occasion un repas copieux avec la viande de la bête immolée, ou encore de la viande séchée (acedluh), pour agrémenter le couscous ou le gros couscous (berkukes). On peut ajouter également à ce plat des crêpes (tighrinfin), des beignets (lesfendj).  
De nos jours, certaines familles enrichissent ce plat par d’autre éléments non traditionnels, telles des friandises, des boissons, etc. Selon le rite, pendant ce repas de famille, on met à part ce qui revient aux filles mariées absentes et on dispose pour ce souper les cuillers des absents. Les familles s’échangent de repas et offrent aux démunis leur part afin qu’ils puissent faire la fête comme tout le monde dans la convivialité.  
Durant cette célébration, on coupe les cheveux aux petits garçons pour qu’ils régénèrent ce qui, symboliquement, signifie que comme lorsque l’on coupe les branches des arbres pour que la sève remonte et pour la vie continue. Les enfants ne mettent pas de beaux habits comme ils font un jour de fête, mais ils font la carnaval. Ils se masquent à l’aide d’une courge évidée, percée de trous pour les yeux et la bouche, ils collent des fèves à la place des dents et des poils de chèvres pour les moustaches et la barbe. En petits groupe, ils vont à travers les ruelles, jouent et font la collecte.  
 
Une date à réhabiliter 
A noter que, de nos jours, cette tradition a un peu ou beaucoup changé selon certains villages, comme elle a, hélas, carrément disparu dans d’autres villages de Kabylie. Sa restauration ne serait que salutaire et c’est l’un des objectifs que des associations culturelles se sont fixées.  
Par ailleurs, cette date est désormais considérée par de nombreuses personnes comme celle du nouvel an à part entière. Un moment pour souhaiter la bonne année (aseggas ameggaz, plutôt !) à tout le monde et s’écrire des cartes de vœux à des amis et proches. Des associations, aussi bien en Kabylie qu’au sein l’émigration, organisent des galas artistiques avec souvent des vedettes de la chanson kabyles. Chez bien des familles émigrées, on fête comme au bled, cette journée. « Si certains ont oublié nos coutumes en arrivant en France, dans notre famille nous restons attachés à notre culture et nos racines, nous célébrons Yennayer comme jadis et nous ne ratons pas les festivités qui s’organisent ici en France à cette occasion », déclare une émigrée. Un autre émigré enchaîne: « Quand nous étions en Kabylie, nous fêtions yennayer dans ma famille, mais une fois arrivés en France, tout a changé ; sincèrement, je suis désolé. Pourtant cette fête est très importante ; les Chinois, les Russes et les autres, ont leur jour de l’an qu’ils fêtent, pourquoi pas nous ? Il n’y a pas de mal à être différent, bien au contraire ».  
Yennayer est un moment important dans notre vie psychique parce que ça nous permet de nous rassembler autour d’une date, de nous rassembler autour d’un repas commun, de nous rassembler autour d’un rituel et cela permet une résonance émotionnelle qui assure la cohésion sociale de la Kabylie et des Berbères d’une manière générale ; il faut donc l’encourager et aller de l’avant.  
 
Yennayer 2955, qu’est-ce que c’est ?  
Yennayer est le premier mois du calendrier agricole solaire (le calendrier julien), ce qui explique la différence de 12 jours avec le calendrier grégorien. Selon les linguistes, le mot Yennayer est composé de deux mots vivants dans le berbère d’aujourd’hui : Yan (un, premier) et ayyur (mois). Quant à l’année 2955, des études historiques l’attribuent à la victoire du roi berbère Chachnaq 1er sur le Pharaon en l’an 950 avant Jésus Christ. Ce roi conquit le Delta, partagea le sol entre les Libyens et fonda la XXIIe dynastie. C’est cette date qui aurait été choisie comme point de départ du calendrier amazigh.  
 
L’emprunté : le dernier de Yennayer 
Un proverbe kabyle dit : jusqu’où a pénétré l’eau durant Yennayer pénétrera l’ardeur du soleil en août (anda wwdhen waman di Yennayer, ad yawedh yittij n ghuct). Le dernier jour de Yennayer est, suivant la légende berbère, désigné par le terme « amerdhil », l’emprunté. On dit que, dans les temps anciens, durant le mois de Yennayer il y avait eu beaucoup d’orage, de neige et de froid glacial. Durant tout le mois, la chèvre fut enfermée chez elle. A la fin de Yennayer, le soleil brilla de nouveau et l’herbe poussa sur le sol. La chèvre fut toute heureuse de retrouver les champs. Elle s’adressa alors à Yennayer et lui dit sur un ton ironique : Grand bien te fasse, mon ami Yennayer ! Tu es reparti sans nous causer beaucoup de mal ! Ces paroles acerbes provoquèrent le courroux de yennayer qui fit tout de suite appel à son ami Furar (Février), il lui dit en vers:  
 
Mon ami Furar, je t’en supplie, 
Prête-moi l’un de tes jours 
Que je puisse châtier la chèvre impudente 
Et lui mettre la tête dans le feu 
 
Furar emprunta un de ses jours à Yennayer. Le ciel se couvrit aussitôt de gros nuages, s’ensuivirent les tonnerres et les éclairs. Le vent soufflait si fort qu’il brisait tous les arbres. La chèvre qui était encore aux champs mourut de froid. C’est pourquoi le dernier jour de yennayer est appelé « l’emprunté » et le mois de février a un jour de moins que les autres mois.  
 
Karim KHERBOUCHE 

 

(c) Alpha Sinus - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 13.01.2006
- Déjà 11439 visites sur ce site!